page précédente

DOLO Louis

Né à Etables (Côtes d’Armor), fils d’un pilote de la Marine Nationale, petit-fils d’un C. L.C., je ne pouvais fuir la mer. Après avoir été recalé à Brest, à l’oral de Navale, j’obtiens à Nantes, en juillet 1909 le "brevet supérieur de théorie long cours" et j’embarque aussitôt sur REINE BLANCHE, 3-mâts-barque, Capitaine Perdraut, qui fut pour moi, d’une très grande providence. Si ce voyage fut sans histoire, il m’a laissé une empreinte ineffaçable, et m’a permis de me parer du titre glorieux de « Malamok » Pour moi tout était nouveau : le pittoresque départ de Nantes, les terres nouvelles que je découvrais, le cap Horn, la rade de Iquique couverte d’une cinquantaine de grands voiliers qui chargeaient du nitrate ou déchargeaient leur charbon... par les moyens du bord, exercice salutaire pour dresser les plus mauvais caractères... et pour économiser des sommes considérables aux armateurs, la main d’oeuvre étant très chère au ChiIi, sans qu’il soit accordé le plus petit supplément aux hommes d’équipage payés 50 sous par jour ! Retour fin avril 1910 à Bruges.
J’arrive à temps pour décrocher à Nantes mon brevet d’élève de la Marine Marchande.
Jusqu’en 1914,vie sans histoire. Service militaire sur le cuirassé BRENNUS, octobre 1910 octobre 1911 d’où je sors 3ème de ma promotion, aspirant de réserve et lieutenant au long cours.
J’embarque en décembre 1911 en qualité de pilotin sur le paquebot TOURAINE, stage de 4 à 6 mois exigé par la Transat pour embarquer lieutenant à 100 francs par mois ! La belle époque !
De 1912 à 1914, lieutenant sur HUDSON, puis sur CALIFORNIE à bord duquel je suis surpris par la guerre, 4 jours après notre départ de la Nouvelle Orléans.
Mobilisé le 20 août 1914 j’embarque en octobre sur le vieux paquebot BRETAGNE, transformé en un minable bateau hôpital. Nous faisons l’évacuation par Dunkerque, des grands blessés de l’Yser et de Dixmude. En mars 1915, je commande la SENTINELLE à Dunkerque, puis en décembre 1915 un groupe de dragueurs de mines à Cherbourg. En août 1916 j’embarque comme enseigne sur le torpilleur d’escadre CAPITAINE MOHL. A bord de cette unité, je participe au sauvetage du grand destroyer anglais LE ZULU, qui vient de sauter sur une mine, et dont 20 mètres de l’arrière disparaissent pendant que nous le remorquons à Calais : Avec une autre unité du mettre type, dont c’est l’avant qui a sauté, nos amis Anglais feront un superbe destroyer. En octobre 1916, je suis nommé à Calais, au commandement d’une section de patrouilleurs et du baleinier INDISCRET jusqu’en mai 1918 : patrouilles, convoyages remorquages etc., entre Gravelines et Batz. En mai 1918 un mois de convalescence, et je termine la guerre sur le croiseur CONDE qui assure la protection des convois entre New York et un point au large du Finistère.
J’ai obtenu mon brevet de C.L.C. en 1918. La Transat me fait démobiliser pour embarquer premier lieutenant sur le s/s BATAVIA, ex-Allemand mixte de 15.000 tonnes, qu’elle arme au compte du trop fameux Transat Maritime. Voyage mémorable qui nous conduit de Brest au Maroc, en Chine, à Tuckow, en face Nankin, sur le Yang Tsé Kiang, et Shang Haî avec un chargement de 2.400 travailleurs chinois, employés à des bas travaux sur le front. En cours de route, des Chinois s’entretuent, un autre se noie, un mât de charge s’abat, 2 hommes d’équipage et une passagère meurent d’insolation, nous comptons 9 décès. Nous nous retrouvons au large du Cap St Jacques. Au retour, dans un genre de typhon, les hommes pont et machine refusent le service. Nous restons 14 heures en dérive avec 200 passagers à bord etc. Bref assez pour m’encourager à profiter de l’occasion, qui se présente à moi de devenir pilote de mer du port de Rouen.
Je suis nommé à ce poste après un examen le 1er avril 1920. En mars 1935, le Congrès national des pilotes m’élit secrétaire-général de la Fédération des Pilotes de France, et des Colonies qui groupe 70 stations de pilotage et 600 pilotes. Notre fédération a conservé l’esprit des vieilles corporations d’autrefois. Son statut est basé sur la loi du 12 octobre 1906 signée par Napoléon 1er à son quartier général, loi modernisée par celle du 28 mars 1908.
Si la direction des affaires corporatives en temps normal est souvent tâche délicate, pendant l’occupation, ce fut encore bien pire. Les pilotes exerçant une fonction publique, durent rester à leur poste : 20 furent tués entre 1939 et 1945. Après une période, de flottement qui dura 6 mois, les Allemands mettant de plus en plus la main sur nous, nous réagissions et intervenions directement à Vichy, avec succès pour retrouver notre forme d’avant guerre, être libre de l’autorité Allemande, et retomber sous celle de le Marine Marchande et de l’Inscription Maritime. Nous fûmes aidés dans cette affaire par l’Amiral Auphan, qui se montra pour nous un chef 100% français. Je connus, boulevard Suchet, à Paris les difficiles discussions avec les Services Allemands chargés des ports. Nous fûmes, à ma connaissance, la seule corporation maritime qui conserva sa forme et ne fut jamais déclarée aux Autorités. Quand les Alliés arrivèrent, ils trouvèrent les pilotes prêts à les servir et à les renseigner.
En 1945, je fus appelé par le Congrès à remplacer notre Président Le Garrec qui prenait sa retraite. J’eus la rude tâche de réorganiser les stations et de les aider à reconstituer leur matériel détruit ou endommagé par la guerre. A partir de 1945, je dus cesser complètement de piloter pour me consacrer entièrement à ma fonction de Président. Ma carrière maritime s’est terminée avec mon mandat dont j’ai refusé le renouvellement malgré l’insistance affectueuse de mes camarades en juin 1950 au Congrès annuel qui m’a nommé Président Honoraire de la Fédération des pilotes.
Distinctions honorifiques :
Officier de la Légion d’Honneur, Croix de Guerre 1914-1918. Médaille Interalliée, Officier et Commandeur du Mérite Maritime.
Qu’il me soit permis pour terminer d’évoquer le souvenir de mon frère Jean DOLO, C.L.C. cap-hornier, beaucoup plus que moi-même. Il comptait 5 voyages du Chili comme officier sur les Bordes.
Mon frère est mort à bord du navire qu’il commandait, âgé de 50 ans le 1er novembre 1936. Il totalisait 22 années de commandement.<
Il était Chevalier de la Légion d’Honneur, et titulaire de la Croix de Guerre 1914-1918.

Note de la rédaction :
Le capitaine Louis Dolo fut le rédacteur du premier livre d'or, à partir des documents biographiques fournis par les CLC. Son oeuvre a été continuée par le Docteur André Le Mouëllic.